Quelles sont les formes d’engagement prises par les jeunes actuellement ?
Si les marches pour le climat, le mouvement #metoo et les manifestations Black Lives Matter sont des exemples récents d’engagement social où les jeunes ont pris une place prépondérante, des discours catastrophiques se font également entendre : les jeunes seraient de moins en moins intéressé·es par les questions sociales.
Que faut-il croire in fine et quel est le ressenti des jeunes par rapport à cela ? Enabel a engagé un débat avec plusieurs jeunes belges âgé·es de 15 à 19 ans sur leur engagement social. Ces témoignages ont été intégrés à un rapport d’étude et enregistrés sous forme de 6 podcasts, dans lesquels nous nous sommes entretenu·es avec 3 jeunes francophones et 3 néerlandophones afin de connaître leur vision sur le fait de jouer un rôle actif au sein de la société.
Engagement visible et invisible
L’engagement social des jeunes revêt de nombreuses formes visibles, comme le fait de protester lors d’une manifestation ou d’être bénévole dans une organisation. Mais des actions moins visibles peuvent elles aussi témoigner de leur engagement. Le végétarisme, l’achat de vêtements de seconde main, le bannissement des emballages plastiques, etc. pour n’en citer que quelques-unes.
Sien (NL) nous raconte ainsi les petits choix conscients posés dans sa vie quotidienne pour mener une vie plus durable et sociale. Ou encore Lou (FR) s’efforce, dans son mouvement de jeunesse, de transmettre, de façon non dogmatique, des valeurs écologiques et féministes aux enfants qu’elle encadre. Aux yeux des jeunes, ces initiatives individuelles constituent aussi de précieuses formes d’engagement.
Engagement formel versus informel
Traditionnellement, il existe une distinction entre des engagements « formels » pris via des organisations et des engagements « informels » pris en dehors des structures existantes. Le rapport d’étude distingue, du moins formel au plus formel, 5 formes d’engagement, à savoir : Faire des choix de vie conscients, Faire porter sa voix, Se lancer dans des initiatives ou actions personnelles, S’impliquer dans une organisation et Être membre d’une organisation.
Pour les jeunes, l’engagement ne se résume donc pas à « faire partie d’une association ». Pour beaucoup, s’engager, c’est être porteur de valeurs au niveau individuel et faire le choix de les partager autour de soi. Au sein d’une organisation ou en dehors, cela a peu d’importance à leurs yeux. Dans notre série de podcasts, Raihanna (NL) nous parle de son adhésion à la Belgian Youth Against Racism et de la manière dont elle a personnellement organisé à Anvers une manifestation contre la prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan en 2021.
La flamme de l’engagement
L’engagement volontaire des jeunes puise ses racines dans des évènements qui les touchent personnellement. Il s’agit bien souvent d’une réaction impulsive ou émotionnelle à des évènements concrets de leur quotidien, de l’actualité, au sein de leur famille et de leurs groupes d’ami·es.
Élisabeth (FR) nous parle ainsi de sa déception lorsqu’elle s’est rendu compte que 5 % seulement des artistes cité·es dans le manuel de son cours de sculpture étaient des femmes. L’engagement des jeunes ne trouve dès lors pas son origine dans de grandes questions éthiques et philosophiques, alors même que celles-ci constituent effectivement leur cadre de réflexion sur notre société.
L’incidence du parcours de vie personnel
L’engagement social des jeunes est souvent analysé selon une dichotomie binaire : vous vous engagez ou vous ne le faites pas, vous faites du bénévolat ou vous n’en faites pas. Ce faisant, nous passons à côté de la dimension vivante de l’engagement. Or, celle-ci est étroitement liée à leurs relations, parcours de vie et contexte.
Yassin et Pawel (NL) nous parlent eux de leur rôle comme éducateurs bénévoles pour l’association de jeunes Betonne Jeugd, en exposant les difficultés qu’ils ont eux-mêmes éprouvées durant leur jeunesse. Et Yassin de nous confier, « entamer un dialogue avec des jeunes sur les mêmes traumatismes peut déjà faire avancer les choses ». Le fait de trouver et d’apporter un appui permet à ces jeunes de se sentir utiles et pertinents. En conséquence, l’engagement peut conférer un sens et une finalité aux jeunes qui se sentent seul·es ou malheureux·euses.
L’engagement comme partie intégrante de l’identité personnelle
Les jeunes – qui sont de toute façon dans une phase importante de construction identitaire – utilisent leurs engagements pour se mettre en avant et se distinguer des autres. Ce faisant, il·elles développent un regard critique et plus précis sur le thème de leur engagement, nourrissent leurs valeurs et participent à la création de leur identité.
Dans la série de podcasts, Shema (FR) nous explique comment son activisme antiracisme et son implication dans le mouvement Black Lives Matter sont en lien étroit avec son identité individuelle. Le discours traditionnel sur l’engagement désintéressé et l’altruisme cède donc le pas à un discours sur la formation identitaire.