Le biogaz domestique, une solution d’énergie durable testée au Niger
Au Niger, plus de 90% de la population utilise le bois comme source d’énergie pour la préparation des repas. Une situation qui engendre des conséquences néfastes sur l’environnement : pour contribuer à sa préservation, Enabel expérimente la production du biogaz domestique auprès de 10 familles d’agropasteurs dans les villages de Nawdéo et Rounto Tanda dans la région de Dosso.
En plus de l’impact positif sur l’environnement, le recours au biogaz, permet d’augmenter considérablement les chances de scolarisation des enfants à travers le gain de temps réalisé par le fait de ne plus devoir aller chercher du bois, tâche le plus souvent réalisée par les plus jeunes membres de la famille.
Le Niger est un pays sahélien dont l’économie repose en grande partie sur l’agriculture et l’élevage. En 2020, l’agriculture représentait 80% des emplois du pays et 87% des emplois provenaient de l’élevage.
Ce secteur primaire reste vulnérable et le pays subit de plein fouet les conséquences du changement climatique : pluies torrentielles et sécheresse, augmentation des températures, inondations, etc. Combinés aux mauvaises pratiques de l’Homme sur l’environnement, ces phénomènes entraînent une forte dégradation des sols et de la végétation avec pour conséquence l’avancée continue de la désertification.
Au Niger, la coupe du bois au profit de la cuisine et de l’éclairage domestique reste une pratique largement répandue. En effet, le bois est la principale source d’énergie pour la cuisson et est utilisé au niveau national par 93,6%* des ménages.
Par ailleurs, dans les villages, la tâche de la coupe du bois de cuisine absorbe une grande partie du temps des femmes et des filles, réduisant leurs chances d’exercer une activité rémunératrice ou de suivre une formation scolaire.
Suite à ce constat, afin de réduire la dépendance aux énergies fossiles et accroître l’accès des populations à des énergies durables, le gouvernement nigérien a intégré dans sa politique énergétique l’accroissement du taux d’accès aux énergies renouvelables.
Le pays a conduit en 2008 une étude de faisabilité d’un programme de biogaz domestique avec l’appui de l’Initiative Biogas for Africa. L’étude concluait que les conditions de base pour le développement d’un ambitieux programme de biogaz domestique basé sur une approche commerciale étaient favorables, notamment dans les régions bénéficiant d’une agriculture irriguée à grande échelle.
En effet, l’élevage est pratiqué par environ 87% de la population à titre d’activité principale ou secondaire et demeure, en grande partie, extensif.
Toutefois, de plus en plus d’acteurs agricoles (agro-pasteurs, emboucheurs) pratiquent un élevage intensif ou semi intensif. L’élevage intensif se caractérise par la stabulation complète du bétail, à savoir son séjour en étable. Les animaux sont gardés à domicile et nourrit intensément. Cet élevage a pour objectif premier la recherche de la productivité.
L’élevage semi-intensif, quant à lui, se caractérise par la stabulation partielle du bétail. Les animaux partent en pâturage durant la journée, à la recherche de nourriture, et trouvent un complément alimentaire à domicile. Ce type d’élevage offre des possibilités de valorisation des déjections d’animaux sous forme de biogaz.
Depuis lors, quelques expériences de biogaz ont eu lieu mais sans réelle articulation avec une vision claire de développement d’un programme national de biodigesteurs. C’est pourquoi, Enabel, expérimente la production du biogaz domestique auprès de 10 ménages d’agropasteurs dans les villages de Nawdéo et Rounto Tanda.
Qu’est-ce que le biogaz ?
Le biogaz est produit à partir de la fermentation des matières organiques en l’absence d’oxygène. C’est un gaz sans odeur, propre à l’utilisation. Il ne dégage pas de fumée. Son utilisation réduit celle du bois, du charbon et du gaz butane. Le résidu de la fermentation peut être utilisé comme fertilisant dans l’agriculture.
M. et Mme Boubé Dérérou, agropasteurs dans le village de Nawdéo, expérimentent le biodigesteur depuis décembre 2021. Cette famille composée de 7 personnes, utilise le biogaz 2 à 3 heures par jour pour préparer les repas du quotidien et se fournir en eau chaude.
« L’utilisation du biogaz nous a permis de réduire d’à peu près 40% la quantité de bois chauffe utilisée ça nous facilite le travail, ça le rend moins pénible et cela nous fait gagner du temps. » témoigne Mme Dérérou.
Et le gain de temps réalisé par le fait de ne plus devoir aller chercher du bois, tâche le plus souvent réalisée par les plus jeunes membres de la famille, augmente considérablement les chances de scolarisation des enfants, surtout des filles.
M. Dérérou explique : « Chaque jour, nous chargeons 40 kg de bouses produites par 4 vaches et de l’eau pour faire fonctionner le biodigesteur. »
Qu’est-ce qu‘un biodigesteur ?
Un biodigesteur c’est une cuve souterraine qui offre les conditions d’une fermentation sans lumière, ni oxygène dans laquelle on introduit des excréments d’animaux frais qui par la méthanisation produisent du gaz. Ce gaz est acheminé vers la cuisine pour les besoins en énergie de cuisson des aliments. Il peut aussi servir à l’éclairage.
La construction d’un biodigesteur de 6 m3 par exemple nécessite : une étable aménagée avec un minimum de 3 bœufs, de l’eau à portée de main et des matériaux de construction disponibles (sable et gravier, cailloux sauvages ou moellons).
Il est établi que 1 kg de bouse de vache permet de produire 40 litres de biogaz.
Plusieurs défis, une seule solution
Le développement des biodigesteurs au Niger présente une réponse à des enjeux économiques, environnementaux et sociaux auxquels le pays fait face.
Dans les zones rurales vivent les ménages les plus précaires, pour lesquels l’accès aux énergies modernes est très limité. D’autre part, l’agriculture et l’élevage occupent plus de 80% de la population active du pays et les besoins en fertilisation de la terre sont donc très importants.
L’installation à grande échelle de cette technologie permettra de faire des économies substantielles. D’autre part, le biodigesteur est un substitut aux énergies fossiles et un véritable piège à méthane, à ce titre il œuvre à réduire les gaz à effet de serre.
Les conditions de vie des populations rurales, qui n’avaient jusqu’alors pas accès à l’énergie, sont considérablement améliorées.
Les avantages de l’utilisation du biogaz :
- Social : réduction de la charge de travail, plus de temps pour les autres activités ;
- Economique : économies dépenses pour bois de chauffe, création d’emplois ;
- Sanitaire : pas de fumée, réduction des maladies oculaires et respiratoires, amélioration des conditions d’hygiène ;
- Agricole : augmentation de la fertilité des sols et de la production ;
- Environnemental : préservation de la végétation.
Les avantages de la technologie du biodigesteur sont évidents et apportent des solutions aux préoccupations énergétiques des ménages tout en permettant une adaptation au changement climatique et à la réduction des gaz à effet de serre.
* Selon l’étude Nationale d’évaluation d’indicateurs socio-économiques et démographiques (ENISED) réalisée par l’Institut Nationale de la Statistique en février 2016.