Les femmes au cœur de l’économie sociale et solidaire
Dans la province de Tata dans la région marocaine de Souss-Massa, la coopérative de services féminine « Tiguisselt » fait beaucoup parler d’elle. Véritable tremplin d’émancipation féminine et vecteur de croissance de l’économie locale, Sarah Siouad, sa présidente et co-fondatrice, nous raconte son histoire.
Un départ social
Tout commence en 2015 lorsque Sarah, ensemble avec 13 autres femmes du douar* (*nbp : région administrative rurale) de Tiguisselt, créent une association sociale qui propose également des services liés à l’agriculture.
Les 14 femmes, âgées de 26 et 50 ans, ont des profils très variés – allant d’analphabètes à étudiantes universitaires. Désireuses d’améliorer la qualité de vie au sein du douar, elles décident de créer l’« Association Initiative et Renaissance Douar Tiguisselt ». Elles réalisent plusieurs actions sociales telles que la distribution de paniers de Ramadan, de vêtements ou de fournitures scolaires, ainsi que l’animation d’activités ludiques au profit des enfants du douar.
En plus de ces activités, l’association propose des prestations de services d’entretien des palmeraies telles que le nettoyage des champs, le nettoyage des touffes et la récolte.
D’une association vers une coopérative
En 2018, avec l’appui du projet PAGIE, elles décident d’adopter un nouveau statut en phase avec leurs ambitions.
En effet, contrairement à une association qui doit toujours être à but non lucratif, une coopérative est une entreprise à but lucratif qui contribue au développement de sa communauté. Le statut de coopérative permet de générer du profit et d’en redistribuer une partie entre membres, tout en gardant certaines valeurs telles que justice sociale, équité et égalité. Une autre valeur inhérente aux coopératives est la démocratie : chaque membre dispose d’un droit de vote égalitaire quel que soit son statut selon le principe « une personne = une voix ».
« Passer au statut de coopérative nous permet d’apprendre et de nous autonomiser financièrement sans sacrifier le volet humain dans nos interventions » explique Sarah SIOUAD, présidente de la coopérative.
Durant la première année, les femmes de la coopérative travaillent uniquement avec les agriculteurs du douar. Petit à petit, elles agrandissent leurs activités aux oasis avoisinantes. Depuis 2021, elles engagent ponctuellement du personnel externe pour les soutenir, créant ainsi de l’emploi au sein de leur communauté.
Des ambitions grandissantes
Portées par le succès de leurs activités, la coopérative ambitionne désormais de concevoir des services de valorisation des déchets du palmier (transformation en aliment de bétail, ou même vanneries et tapis) pour multiplier les sources de revenus de ses membres. Toutefois, pour ceci, un local est nécessaire.
« Nous sommes actuellement à la recherche de partenariat et de financement pour construire notre propre local. Il y a 4 ans, je n’aurais jamais imaginé prendre de telles mesures. Les compétences que nous avons acquises grâce à l’accompagnement et les formations organisées dans le cadre du PAGIE nous permettent d’entreprendre de telles démarches aujourd’hui. »
Qualité de vie améliorée
Selon Sarah, la plus grande réussite de la coopérative est l’autonomisation et l’amélioration de la qualité de vie de ses adhérentes.
« La coopérative contribue à assurer un revenu stable aux adhérentes. Aujourd’hui, elles sont autonomes et peuvent subvenir aux besoins de leurs familles. Nos 4 adhérentes étudiantes utilisent ce revenu pour financer leurs études universitaires. De plus, je constate que les femmes sont plus assertives qu’avant. Elles participent aux formations, elles sortent du douar, elles vont voir les administrations d’elles-mêmes, elles s’autonomisent. »
Et malgré certaines difficultés, Sarah entrevoit aujourd’hui l’avenir d’un bon œil :
« La mentalité au sein du douar est en train d’évoluer petit à petit. Depuis peu, nous recevons même des demandes d’adhésion d’autres femmes du douar. L’entreprenariat féminin devient de plus en plus accessible, nous sommes sur la bonne voie ! »
Le projet PAGIE en quelques mots
- Pour augmenter de manière significative les revenus des petits agriculteur·rices dans les zones oasiennes, montagneuses et présahariennes, le Maroc a adopté une stratégie solidaire appelée Pilier II du Plan Maroc Vert.
- En étroite collaboration avec nos partenaires nationaux et locaux, Enabel accompagne le développement de la filière phoenicole (le palmier dattier) dans le Souss-Massa. Nous travaillons au renforcement de la chaine de valeur phoenicole : de l’amont, avec des formations des agriculteurs aux pratiques agricoles, à l’aval, avec l’accompagnement de ceux-ci dans la création et la gestion de coopératives et de Groupements d’intérêt économique (GIE), ainsi que dans la commercialisation de leurs produits.
- Durabilité du projet : les palmeraies forment un rempart naturel contre la désertification, notamment via des barrières fabriquées à base de déchets du palmier dattier pour retenir le sable. Cependant, les changements climatiques et la raréfaction des ressources en eau ont fragilisé l’équilibre de cet écosystème. C’est pourquoi nous soutenons des techniques de production du palmier dattier fondées sur l’agroécologie.
- Le budget du projet s’élève à 13,5 millions d’euros et 100 millions de dirhams marocains.
- Financé conjointement par la coopération belge et l’état marocain, le projet a débuté en 2016 et se clôturera en 2023.