De l’eau à l’énergie
L’ambition du gouvernement mozambicain est claire : Energia para Todos – L’énergie pour toutes et tous. D’ici 2030, tous les foyers mozambicains devraient avoir accès à une électricité durable et abordable.
Cependant, en 2019, le compteur n’affichait encore que 29,6 % : le défi est donc énorme. Et pourtant, le Mozambique dispose d’un potentiel important en matière d’énergies renouvelables, avec des perspectives prometteuses pour l’énergie hydroélectrique et solaire. Aussi, Enabel appuie le gouvernement du Mozambique dans la recherche de solutions pour étudier au mieux la faisabilité de projets hydroélectriques.
L’énergie pour toutes et tous
Si le nord du Mozambique compte plusieurs rivières qui pourraient servir à la production d’électricité, c’est en même temps aussi la région où la population a le moins accès à l’électricité. Or, celle-ci pourrait améliorer considérablement la qualité de vie des Mozambicains et Mozambicaines vivant dans les régions du nord du pays.
Comment se fait-il alors qu’il y ait si peu de centrales hydroélectriques au Mozambique ?
Complexité
La raison tient en un mot : complexité. Les projets hydroélectriques sont en effet particulièrement complexes, et différentes disciplines et spécialisations s’y côtoient : hydrologie, génie civil, électromécanique, gestion environnementale, etc.
De plus, la construction d’une centrale hydroélectrique nécessite des ressources financières considérables. Les projets hydroélectriques ne sont donc jamais une promenade de santé. Par ailleurs, le Mozambique est confronté à plusieurs défis spécifiques supplémentaires : un manque de données de mesure récentes sur les rivières et leur bassin versant, la difficulté d’accès aux sites potentiels de ce vaste pays, les ressources financières limitées du gouvernement mozambicain et son manque d’expérience en matière de collaboration avec le secteur privé par le biais de projets de partenariat public-privé.
FUNAE
Le FUNAE (Fundo de Energia), le Fonds national de l’énergie, a pour mission de faciliter et de réaliser des projets énergétiques hors réseau, c’est-à-dire des projets énergétiques en dehors du réseau électrique national, ce qui signifie en pratique tout ce qui se situe à plus de 40 km du réseau national. Le FUNAE et Enabel collaborent depuis plus de 10 ans au développement de projets d’énergie renouvelable au Mozambique, tant dans le domaine de l’énergie solaire que de l’hydroélectricité à petite échelle.
La taille des projets hydroélectriques à petite échelle peut varier de quelques kilowatts (production d’énergie pour une communauté) à quelques mégawatts (production d’énergie pour un groupe de communautés) et est donc nettement inférieure à celle des grands projets hydroélectriques bien connus, qui peuvent avoir un potentiel énergétique allant jusqu’à des milliers de mégawatts.
En fonction de leur taille et de leur emplacement, ces petites centrales hydroélectriques peuvent être raccordées au réseau ou faire partie d’un mini-réseau autonome. En raison de leur taille limitée, elles ne nécessitent pas de grands barrages ou d’autres infrastructures invasives, ce qui se traduit par une empreinte environnementale et écologique globalement moins élevée que celle des grandes centrales hydroélectriques.
Enabel et le FUNAE conjuguent leurs efforts pour trouver des solutions permettant d’étudier au mieux la faisabilité de projets hydroélectriques, tout en privilégiant clairement la digitalisation, les nouvelles méthodologies et la bonne maintenance. À ce jour, cette approche a débouché sur trois méthodes de travail fondamentalement innovantes.
Ce à quoi nous travaillons
Solution 1 : les SIG
« Une formation particulièrement utile », a commenté l’ingénieur Norberto Novelo à l’issue de la formation intensive sur l’utilisation des systèmes d’information géographique (SIG) pour l’analyse de nouveaux sites hydroélectriques potentiels.
Enabel et le FUNAE ont mis au point une méthodologie permettant d’étudier de nouveaux sites à l’aide de données historiques sur les rivières et la pluviosité. Auparavant, il était nécessaire d’engager un·e consultant·e externe, mais grâce aux données géographiques et aux modèles Excel librement disponibles, le personnel du FUNAE peut réaliser les études lui-même. Les paramètres clés, tels que le bassin versant, le débit fluvial et la production d’électricité, peuvent être calculés et visualisés à l’aide de ces techniques.
Cette méthodologie nous permet d’identifier les sites les plus intéressants, et ce, à distance et à l’avance, sur ordinateur. De cette façon, le FUNAE peut utiliser au mieux ses ressources financières limitées. Grâce à cette nouvelle méthode, cinq sites présumés intéressants ont été analysés, dont l’un – à Mutala, dans la province de Zambézia – s’est avéré posséder un potentiel particulièrement élevé. La production est estimée à quelque 3 à 4 mégawatts, ce qui signifie qu’environ cinq villages et une entreprise pourraient y être raccordés.
Pour développer ce site à fort potentiel, des discussions sont en cours avec le secteur privé mozambicain.
Solution 2 : les drones
Après sélection des sites potentiels, l’analyse initiale doit être vérifiée sur le terrain par le biais de mesures et de travaux sur site. Cela étant, les projets hydroélectriques peuvent toutefois concerner des zones immenses, souvent difficiles d’accès. Là encore, la technologie et la digitalisation offrent une solution.
Ainsi, l’utilisation d’un drone permet de cartographier la zone dans son ensemble et en détail depuis un endroit sûr. Qui plus est, elle permet de construire un modèle numérique d’élévation très détaillé de la zone, ce qui s’avère particulièrement précieux lors de la conception de la centrale hydroélectrique. Cette nouvelle approche a été testée à Nintulo, dans la province de Zambézia, dans le cadre d’un programme de formation et sera de plus en plus utilisée à l’avenir.
Solution 3 : des mesures du débit des rivières avec la participation de la communauté locale
L’un des paramètres les plus critiques pour un projet hydroélectrique est le débit disponible. Si l’eau d’une rivière ne coule pas assez vite, il est impossible d’en tirer de l’énergie. L’un des principaux problèmes au Mozambique est le manque de données de mesure actualisées, qu’il faut donc aller recueillir sur le terrain.
Mais par où commencer ? À Nintulo, Enabel et le FUNAE ont trouvé une excellente solution : en collaboration avec la communauté locale, un petit barrage a été construit en 2019 afin de permettre des mesures du débit de la rivière et du niveau de l’eau. Depuis, une personne de la communauté gravit chaque jour la colline et va mesurer le niveau de l’eau, qu’elle enregistre ensuite méticuleusement dans un carnet, après quoi les données sont partagées chaque mois dans un groupe WhatsApp composé du personnel du FUNAE et d’Enabel. Par la suite, des mesures de contrôle mensuelles sont effectuées par Enabel et le FUNAE avec le soutien de la communauté. 45 personnes vivant dans la région garantissent l’entretien des routes d’accès à la rivière afin que les sites de mesure restent facilement accessibles.
Grâce à cette approche, Enabel et le FUNAE ont déjà pu recueillir des données de mesure pour les deux dernières années. Et ce n’est pas tout : la participation active de la communauté de Nintulo à l’ensemble du processus garantit un soutien local substantiel au projet. Le FUNAE, Enabel et les habitants et habitantes de Nintulo entretiennent des contacts particulièrement étroits, et l’utilisation d’un groupe WhatsApp commun permet de résoudre immédiatement tout problème.
Ou, comme le répète souvent le « chefe de posto », Senhor Renato, « ce projet s’avère extrêmement important pour le développement futur de notre communauté ».
Composée de 8 quartiers et de quelque 15.000 habitant·es, la zone de Nintulo est une communauté essentiellement rurale, où le maïs est l’aliment de base. Elle dispose actuellement de 7 broyeurs de maïs répartis dans la zone. Dotés d’un moteur diesel, ceux-ci consomment beaucoup de carburant.
À ce jour, c’est néanmoins la seule option dont dispose la communauté pour produire de la poudre de maïs. L’accès à l’électricité lui permettrait de rendre le procédé plus efficace, plus économique et plus respectueux de l’environnement.
Nintulo dispose également d’un grand nombre de terrains où pourraient s’installer des entreprises, mais sans accès à l’électricité, le secteur privé ne peut pas faire d’investissements dans la région.
Et maintenant ?
Après l’élaboration technique d’un projet hydroélectrique, il faut encore trouver les moyens de le financer. Dans le passé, les projets énergétiques relevaient exclusivement du gouvernement mozambicain, mais la législation a changé en 2021, grâce également au FUNAE, et il est désormais possible de recourir à des fonds privés pour mettre en place des projets d’énergie renouvelable.
Dans l’attente de nouvelles réglementations, Enabel et le FUNAE collaborent déjà à la mise au point de nouveaux modèles de financement et de gestion pour les installations énergétiques réalisées par le FUNAE. Car, après tout, l’objectif final est très clair : Energia para Todos.
Données clés
- 29,6 % de la population mozambicaine de 32 millions d’habitant·es avaient accès à l’électricité en 2019.
- Enabel et le FUNAE collaborent depuis 2011.
- 5 nouveaux sites hydroélectriques sont analysés, dont 1 a été identifié comme étant à haut potentiel.
- Plus de deux ans de mesures du débit de la rivière Nintulo sont disponibles.
- Un modèle numérique d’élévation a été réalisé dans la région de Nintulo à l’aide de drones.
- Selon une étude réalisée en 2022, les données de débit recueillies à Nintulo ont un potentiel confirmé de 3 à 4 MW. Ce potentiel pourra être exploité si le réseau électrique peut être étendu à Nintulo. Pour que cela soit possible, le FUNAE devra entamer des discussions avec EDM, l’opérateur du réseau électrique mozambicain.