Passer d’une logique de problèmes à une logique d’opportunités
Quel regard portez-vous sur l’année écoulée ?
Jean Van Wetter – Avant d’entrer dans les détails de nos différentes réalisations, je tiens à remercier les collaboratrices et les collaborateurs d’Enabel partout à travers le monde. Grâce à leur travail, non seulement nous avons poursuivi les programmes en cours et entamé de nouveaux programmes, mais nous avons aussi contribué au développement de réponses à la crise covid avec nos pays partenaires. Et parallèlement, nous avons pu mener à bien des projets de changement, comme la mise en place d’une gouvernance collaborative et l’implémentation de notre modèle WITIP – working independently of time and place – qui réorganise le travail au sein d’Enabel autour de la responsabilisation de chacun sur base d’objectifs.
Delphine Moralis – Les crises et les projets de transformation sont d’importantes sources de stress. Que nos équipes soient parvenues à effectuer leur travail avec succès dans un tel contexte en dit long sur leur motivation. Ce sont des personnes passionnées, qui se donnent à fond pour faire avancer leurs projets, et c’est pour nous une grande source de fierté. Nous voulons continuer à travailler en mettant les gens au centre de notre agenda. Cela concerne d’ailleurs autant Enabel que nos différents partenaires, en Belgique, en Afrique et au Moyen-Orient. Nous sommes entrés dans une période où le dialogue, l’écoute et la collaboration sont devenus indispensables pour créer des ponts entre les différentes organisations et institutions impliquées et assurer le succès de nos projets.
Quelles sont les différentes lignes directrices qui structurent l’action d’Enabel ?
Jean Van Wetter – Pour moi, elles sont au nombre de trois : résoudre ensemble des défis communs, passer d’une logique de problèmes à une logique d’opportunités, et savoir écouter nos partenaires.
Delphine Moralis – Aujourd’hui, il est important de développer une approche globale, holistique des problématiques. Réfléchir à la lutte contre les effets du dérèglement climatique implique de penser à l’agriculture, à la reforestation et à la gestion de l’eau. Mais si vous poussez le raisonnement plus loin, vous réalisez que cela touche aussi à la lutte contre les inégalités, à l’accompagnement des flux migratoires et à la politique de santé. D’où la nécessité d’inscrire chaque action dans un contexte global.
Sur les quelque 2.000 personnes qui travaillent pour Enabel, 230 à peine travaillent à Bruxelles. Les autres sont dans les pays partenaires. Nous pouvons ainsi faire remonter les défis et les idées et participer à la création de solutions en prise avec la réalité locale.
Jean Van Wetter -Directeur général Enabel
Passer d’une logique de problèmes à une logique d’opportunités, qu’est-ce que ça veut dire ?
Jean Van Wetter – Prenez la crise du covid. Comme de nombreux pays, la Belgique s’est engagée dans le programme COVAX, qui visait à fournir des vaccins aux pays ayant moins de ressources. Mais nous avons eu très vite l’intuition qu’il fallait réfléchir à plus long terme, travailler sur des solutions structurelles. Nous avons concrétisé deux projets. D’une part, au Sénégal, le soutien à la mise en place d’un « lab » regroupant l’ensemble de l’industrie pharmaceutique : autorités, acteurs publics, entreprises privées locales et internationales, bref, tous les acteurs qui participaient de près ou de loin à la production pharmaceutique du pays. Ce « lab » a permis de structurer un plan d’action pour la production locale de vaccins contre le covid 19 avec des rôles et responsabilités précis des différents acteurs locaux et internationaux. Il a permis à Enabel d’identifier un projet de soutien à la mise en place d’une Agence du Médicament.
Dans ces exemples, la collaboration joue un rôle important. Est-ce une orientation d’Enabel ?
Delphine Moralis – Je parlerais plutôt de cocréation. Impliquer nos partenaires dès la conception du projet est la meilleure manière d’obtenir des résultats durables. Nous voulons sortir de la logique de silos et créer de vrais partenariats, dans lesquels tout le monde est gagnant. L’important pour cela est de développer une réelle capacité d’écoute.
Jean Van Wetter – Cela passe par une présence permanente dans les pays partenaires, en contact avec la réalité locale. Sur les quelque 2.000 personnes qui travaillent pour Enabel, 230 à peine travaillent à Bruxelles. Les autres sont dans les pays partenaires. Nous pouvons ainsi faire remonter les défis et les idées et participer à la création de solutions en prise avec la réalité locale.
Delphine Moralis – Cela rejoint notre dynamique d’opportunités. Trouver des opportunités, c’est écouter les gens dans les pays partenaires. Si on réfléchit à long terme, notre monde est en pleine mutation : l’Europe vieillit, et bientôt, la majorité de la population africaine aura moins de 18 ans. Dialogue et cocréation deviennent essentiels, sous peine de voir notre action devenir complètement obsolète.
Il est important de développer une approche holistique des problématiques. Réfléchir à la lutte contre les effets du dérèglement climatique implique de penser à l’agriculture, à la reforestation et à la gestion de l’eau. Mais si vous poussez le raisonnement plus loin, vous réalisez que cela touche aussi à la lutte contre les inégalités, à l’accompagnement des flux migratoires et à la politique de santé.
Delphine Moralis – Présidente du conseil d’administration Enabel
Vous insistez sur la notion de Team Belgium. Que recouvre-t-elle ?
Delphine Moralis – Team Belgium, c’est l’idée que le rôle d’Enabel aujourd’hui n’est pas uniquement de fournir sa propre expertise, mais aussi d’aller chercher l’expertise pointue où elle se trouve. Par exemple, en 2021, sous l’impulsion de Ministre Kitir et en collaboration étroite avec le ministère des Affaires Etrangère, Enabel a organisé une table ronde qui a réuni tous les acteurs du secteur pharmaceutique en Belgique : Sciensano, les universités, l’Agence belge du médicament, le SPF Santé, Pfizer, Johnson&Johnson, Univercells, etc. Nous avons réfléchi ensemble sur ce que la Belgique pouvait apporter à ses partenaires africains, avec l’expertise des différents participants. C’est cela, l’esprit Team Belgium.
Et qu’en est-il de Team Europe ?
Delphine Moralis – C’est la même idée : il s’agit de fédérer les différentes expertises au niveau européen pour répondre ensemble aux problématiques pour lesquelles les pays partenaires nous demandent un soutien. Enabel joue un rôle important dans ce cadre. En 2021, grâce à notre implication dans Team Europe, nous avons obtenu un financement cumulé de plus de 90 millions d’euros pour participer aux programmes de l’Union européenne, ou même d’autres pays européens qui ont souhaité faire appel à notre expertise.
Comment s’est passée la collaboration avec la ministre de tutelle d’Enabel, Meryame Kitir?
Jean Van Wetter – Nous nous inscrivons complètement dans la vision de la ministre de la Coopération au développement, Meryame Kitir. Sous son impulsion, Enabel a mis en place en 2021 un grand nombre de nouveaux programmes. Nous avons par exemple lancé un programme régional lié à la lutte contre le changement climatique impliquant plusieurs pays du Sahel ainsi que le Sénégal. Nous avons également lancé un programme lié à la protection sociale avec le Rwanda, l’Ouganda et le Congo. Et nous avons lancé des nouveaux programmes quinquennaux en Palestine et au Niger. La collaboration est donc excellente, et nous espérons qu’elle se poursuivra sur la même lancée en 2022.