Et si votre passage aux toilettes générait de l’énergie ?
Enabel lance un projet pilote dans la métropole de Mbuji-Mayi en République démocratique du Congo pour produire de l’énergie à partir d’excréments humains.
Métropole sans système d’égouts
A Mbuji-Mayi, l’assainissement n’est pas ce qu’il devrait être : en raison de l’urbanisation très rapide, les toilettes sont généralement partagées par plusieurs familles. Les égouts sont inexistants et l’assainissement se limite bien souvent à des latrines collectives. Dans la plupart des cas, quatre ou cinq familles se partagent une seule toilette dans la cour d’un lotissement. Le matin, la file d’attente est longue, et tout le monde veut sortir le plus rapidement possible de ce petit espace mal entretenu. Comme il est très difficile d’installer un système d’égouts pour les eaux usées dans une ville en constante expansion l’amélioration de la situation sanitaire semble une perspective lointaine.
Cependant, une meilleure gestion de l’eau sale est cruciale pour la santé des habitant·es, car de nombreuses maladies telles que le choléra ou la typhoïde sont transmises par l’eau (sale).
L’eau, source de vie
« Pour sensibiliser les gens à l’importance de toilettes propres et aux avantages qui en découlent pour la santé, nous avons eu l’idée de rendre les passages aux toilettes plus agréables » explique Lucas Cornet, chef de projet chez Enabel.
Actuellement, les gens veulent faire leurs besoins le plus rapidement possible et partir, sans penser au prochain utilisateur. Cela est dû, bien sûr, au fait qu’ils doivent partager ces toilettes, qui ne sont donc pas entretenues. L’entreprise en charge de l’exploitation du projet d’assainissement Mbuji Mayi Propreté, propose aux familles de louer des toilettes portables. Il s’agit d’une toilette avec une cuvette fermée en dessous, semblable aux toilettes des caravanes ou des camping-cars. Une famille peut disposer de cette toilette, qui est utilisée uniquement par les membres de la famille puisqu’elle peut être placée dans la maison. Les toilettes sont vidangées tous les deux jours par un service de collecte. Le contenu collecté est ensuite placé dans un bioréacteur, qui transforme la matière organique en biogaz via des bactéries naturellement présentes dans nos organismes.
Le méthane est ensuite collecté et peut être utilisé, par exemple, pour alimenter une cuisinière.
“Nous avions l’habitude de partager des toilettes avec 15 personnes. Maintenant, seule ma famille les utilise et nous en prenons soin.” – José Nguida, utilisatrice de toilette portable depuis deux mois.
Des toilettes à l’omelette
“Pour l’instant, nous avons un concept de chaîne courte : là où se trouve le bioréacteur, se trouve aussi l’étal d’une femme qui vend du pain et des omelettes. Elle utilise directement le gaz de notre bioréacteur. De cette façon, nous pouvons clairement montrer comment les gens peuvent contribuer et ils seront beaucoup plus motivés pour rassembler leurs excréments et entretenir correctement leurs toilettes s’ils voient que l’énergie libérée peut être utilisée pour cuisiner. Par exemple pour cuire une bonne omelette » s’amuse Lucas.
José Nguida, utilisatrice du service, est enthousiaste du projet : « Je suis cliente depuis bientôt 2 mois. Avant, on partageait une toilette avec 15 personnes, mais maintenant, c’est uniquement ma famille qui l’utilise et on en prend tous soin ».
« La collecte des déchets humains n’a rien de nouveau », explique Lucas Cornet. « Cela se fait depuis de nombreuses années dans différentes parties du monde, autant en Asie qu’en Amérique latine et en Europe. Ils sont principalement utilisés comme engrais pour l’agriculture. Mais c’est un processus à forte intensité de main-d’œuvre et les gens ont oublié, grâce aux mesures d’hygiène (égouts, toilettes avec boutons de chasse d’eau), que leurs propres déchets peuvent aussi contribuer à un monde durable et circulaire ».
150 familles participent actuellement au projet pilote. Le projet espère conquérir d’autres quartiers et contribuer ainsi à une ville plus saine, et plus propre !