Favoriser la croissance des entreprises guinéennes émergentes

Interview avec Adélaïde Kourouma sur l’entrepreneuriat urbain en Guinée

Photo : l’équipe d’entrepreneuriat urbain d’Enabel, avec Adélaïde en tant que chef de projet à l’extrême droite. 

En Guinée, Enabel met entre autres l’accent sur le développement du secteur privé. Son programme « Entrepreneuriat urbain » vise à renforcer et à professionnaliser les entreprises guinéennes en croissance.

 

Pourquoi se focaliser sur les entreprises existantes et non sur la création de nouvelles entreprises ?

A travers le programme « Entrepreneuriat urbain », notre objectif est de renforcer le tissu économique des villes afin de favoriser la création de valeur ajoutée locale et la création d’emplois.

Pour atteindre cet objectif, nous entendons nous appuyer sur les petites entreprises qui offrent un potentiel de croissance. Souvent, celles-ci existent depuis plusieurs années et elles ont développé un produit ou un service adapté au marché. Elles ont ainsi passé le stade le plus risqué, celui des premières années d’existence. Elles comptent quelques collaborateurs et collaboratrices, et génèrent des revenus, mais demeurent néanmoins bloquées à ce stade de leur croissance.

L’idée est de les aider à libérer ce potentiel pour passer à l’étape supérieure. L’enjeu est à la fois d’activer les leviers de croissance de ces entreprises et de les rendre plus résilientes et compétitives.

On peut par exemple citer des entreprises qui commercialisent des produits cosmétiques locaux, une agence qui propose des circuits écotouristiques, des entreprises de gestion des déchets, des entreprises de construction ou encore des entreprises proposant des applications numériques en lien avec la mobilité urbaine.

Deux entrepreneures
Deux entrepreneures
Quels sont les secteurs concernés par ce programme ?

Pour maximiser l’impact, nous avons mis l’accent sur trois secteurs prioritaires qui répondent aux besoins de la population urbaine et présentent un fort potentiel en matière de création de valeur ajoutée et d’emplois.

Le premier secteur concerne les activités en lien avec la « Ville durable et la Construction ». Ce sont toutes les entreprises qui évoluent dans le secteur de la construction, de la gestion des déchets ou qui participent, d’une façon ou d’une autre, à l’amélioration du cadre de vie urbain. On citera, par exemple, des entreprises de collecte et de valorisation des déchets ou des entreprises du secteur bâtiments et travaux publics (BTP) qui travaillent avec des matériaux durables ou encore un pressing écologique proposant des services d’enlèvement et de dépôt du linge.

Le deuxième secteur est celui de l’« Hospitalité et du Tourisme  ». La Guinée compte aujourd’hui une classe moyenne émergente, désireuse de consommer des services d’accueil, de divertissement, de restauration et de tourisme local.

Le secteur de l’Hospitalité et du Tourisme a également été retenu comme un secteur prioritaire du fait de l’intérêt qu’il présente pour la promotion de l’entrepreneuriat féminin. Au cours d’une étude menée auprès des 200 PME, il a été relevé que la part de femmes entrepreneures au sein de ce secteur était de 50 %, ce qui est largement supérieur à la moyenne, tous secteurs confondus (autour de 12 %).

Enfin, le troisième secteur est celui du « Numérique », avec des entreprises qui répondent aux besoins des particuliers ou des entreprises : développement d’applications, services de livraison à domicile basés sur des applis, etc. Ce secteur est particulièrement important pour accompagner l’innovation en Guinée et la compétitivité de l’économie.

Concrètement, en quoi consiste l’accompagnement que vous proposez à ces PME ?

 

Tout commence par un diagnostic des besoins de l’entreprise : où en est-elle en termes de structuration ? Quelles sont les pistes de croissance et de développement commercial ? Son fonctionnement commercial est-il optimal ? Les équipes sont-elles bien gérées ? Les processus de production sont-ils au point ?

Une fois que ce diagnostic est prêt, nous définissons un plan d’action avec l’entrepreneur·e et son équipe. C’est véritablement un plan sur mesure, adapté à la situation de l’entreprise : nous voulons maximiser ses chances de succès en capitalisant ses atouts. Une fois le plan arrêté, nous définissons ensemble les objectifs et les indicateurs que nous utiliserons pour mesurer la performance. Nous intégrons aussi des indicateurs en lien avec l’impact social de l’entreprise.

Enfin, nous suivons aussi des indicateurs à plus court terme, en lien avec le niveau de structuration de l’entreprise : situation fiscale, comptable et juridique, formalisation de l’emploi, structuration autour des compétences nécessaires à l’entreprise.

Ce dernier point est fondamental : toutes les PME, au début de leur développement, reposent sur les compétences de leur fondateur·rice. L’enjeu de la croissance est de sortir de ce « one-(wo)man-show » en attirant de nouveaux collaborateurs et collaboratrices, et en professionnalisant l’activité autour de ces nouvelles ressources.

Pour vous donner un exemple concret, nous accompagnons la société « Magic », qui est une entreprise d’une trentaine d’employé·es active dans les livraisons à domicile et les services de conciergerie. Ce type d’entreprise ayant en général une rentabilité très fragile, elle a besoin de solidité opérationnelle. Beaucoup de ses concurrents se sont d’ailleurs effondrés au cours des dernières années. Nous avons donc concentré notre action sur l’amélioration de l’efficacité opérationnelle, le renforcement des équipes et la mise en œuvre de la stratégie de croissance.

Au démarrage de l’accompagnement, l’ l’entrepreneure n’était pas outillé pour suivre la performance de son activité de façon quotidienne. L’accompagnement lui a notamment permis de créer un tableau de bord autorisant un suivi au quotidien des courses, de l’absentéisme, de la satisfaction de la clientèle, etc.

Résultat : l’entreprise a pu réagir rapidement aux absences et ainsi améliorer la qualité du service. Améliorer sa performance au quotidien a permis à notre l’entrepreneure de dégager plus de rentabilité et de générer elle-même les moyens nécessaires pour financer sa croissance.

 

 

Aujourd’hui, après plus de dix mois d’accompagnement, l’entrepreneur est entrée dans une nouvelle phase de sa croissance avec le lancement de son activité dans huit villes du pays, en sus de la capitale Conakry où était concentrée son activité depuis la création de l’entreprise en 2017. Désormais, l’entreprise est aussi crédible pour mobiliser des financements auprès d’institutions financières locales.

 

Deux employés administratifs d’une entreprise recevant un programme de coaching d’Enabel en Guinée.
Quels enseignements tirez-vous déjà de ce programme ?

Un enseignement clé est qu’il est nécessaire de mettre l’accent, dès le départ, sur le renforcement des équipes et l’appui au recrutement, notamment avec l’intégration de profils dans des fonctions d’appui comme la comptabilité, le commercial ou la communication.

Nous avons déjà pu mesurer un impact positif sur l’emploi dans les 12 entreprises accompagnées sur la période 2020-2021, avec plus de 15 emplois créés. Nous sommes très satisfait·es de constater que ces entreprises engagent de la main-d’œuvre qualifiée en début d’expérience professionnelle, qu’elles contribuent à former et à professionnaliser sur des postes de comptables, communicant·es, commerciaux·ales.

Nous avons ainsi identifié de grands enjeux dans l’entretien et la maintenance des machines. Notre prochain défi sera donc de travailler sur cette thématique.

Un autre enseignement concerne le profil et les besoins des entrepreneures. En général, elles sont à la tête d’entreprises qui proposent des produits ou services de qualité, qui se différencient de la concurrence.

À titre d’exemples, Les Roses de Marie proposent des produits à base de karité vendus dans de petits packagings adaptés aux besoins de la clientèle ; Blue Cleaners propose un service de traitement du linge à base de produits biodégradables ; Yogo propose des yaourts produits localement et utilisant des ingrédients locaux (fleurs d’hibiscus, fruit du baobab).

 

Néanmoins, les profils de femmes entrepreneures sont plus exposés au fait de devoir cumuler leur activité entrepreneuriale avec un statut d’employée. Elles sont aussi plus exposées au fait de devoir gérer leur activité à distance pour raisons familiales.

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