Le Lac Tanganyika, dernier refuge d’un écosystème menacé
Un lac vieux de 10 millions d’années. Abritant plus de 4.500 espèces animales et végétales, dont presque la moitié sont endémiques… Aux confins du Burundi, de la République Démocratique du Congo, de la Tanzanie et de la Zambie, se trouve le lac Tanganyika. Véritable océan miniature à l’écosystème unique, la région du lac ne compte pas moins de 13 millions d’habitants, dont 2 millions vivent le long du littoral.
Véritable merveille naturelle du monde, sa biodiversité exceptionnelle est gravement menacée par l’activité humaine – environ 200.000 tonnes de poisson y sont pêchées chaque année – mais pas seulement : la pression démographique, le changement climatique, l’urbanisation et la pollution sont autant de facteurs qui mettent en péril l’équilibre du lac. Financé par l’Union européenne, le Lake Tanganyika Water Management project (Latawama) veut garantir un avenir durable à la région et à ses habitant·es.
Jeter les bases d’une gestion durable du lac
Le déploiement d’un réseau de surveillance environnementale des eaux du lac est indispensable pour assurer sa gestion pérenne. Pour ce faire, Enabel et l’Autorité du Lac Tanganyika (ALT), constituée des quatre pays riverains, ont mis en place une base de données et un système informatique géographique permettant de mesurer la qualité des eaux. Ces outils sont alimentés par quatre laboratoires régionaux d’analyse, réhabilités et modernisés par Enabel, situés à Bujumbura (Burundi), Kigoma (Tanzanie), Uvira (RDC) et à Mpulungu (Zambie).
Grâce au soutien financier de la Région wallonne, à hauteur de 500.000 euros, ces laboratoires ont été équipés d’installations solaires photovoltaïques pour assurer leur fonctionnement indépendamment des réseaux électriques locaux peu fiables, leur garantissant ainsi un fonctionnement continu.
Vers une gestion durable des déchets urbains
Pour assurer une gestion durable du lac, il est également crucial de lutter contre les pollutions urbaines. En concertation avec les acteurs publics, nous avons développé une série d’actions axées sur la gestion des déchets solides et des eaux usées dans les zones bordant le lac.
Forte d’1,2 millions d’habitant·es, la ville de Bujumbura au Burundi est confrontée au défi colossal de la gestion des eaux usées. Sa station d’épuration est la seule existante sur l’ensemble des villes riveraines du lac ; le projet Latawama l’a équipé afin d’améliorer son fonctionnement. Cette station joue un rôle essentiel dans la politique environnementale de la ville, mais représente également un enjeu majeur de salubrité publique, certaines villes faisant par exemple face à des épidémies de choléra.
« La salubrité publique et la santé des populations est indissociable de l’amélioration de l’environnement et de la protection du lac Tanganyika. » Didier Cadelli, chef de projet
En République démocratique du Congo, la prison d’Uvira abrite plus de 1.200 détenus dans des conditions précaires, entraînant des risques sanitaires et un impact environnemental sur le lac. En collaboration avec la MONUSCO (Mission des Nations Unies pour le Congo) Enabel a installé des toilettes, douches et lavabos, ainsi que des systèmes de collecte et de recyclage des eaux de pluie. Les toilettes sont reliées à un biodigesteur qui alimente les cuisines en gaz, évitant ainsi la combustion de bois. Cela améliore les conditions de vie des détenus, tout en limitant l’impact de la prison sur l’environnement et la qualité des eaux du lac.
La gestion des eaux usées est un défi majeur, mais c’est loin d’être le seul : avec l’augmentation de la population, la production des déchets solides s’est elle aussi aggravée. Le manque de moyens financiers empêche les villes de gérer cet afflux. C’est pourquoi nous soutenons les autorités des grandes villes côtières dans l’élaboration et la mise en œuvre de plans de gestion des déchets.
M. Cléophas Bizabishaka, représentant de l’OBUHA (Office Burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction) en charge de la station d’épuration de Bujumbura, précise :
“Les lits de séchage des boues de la station n’étaient plus opérationnels. Grâce au projet LATAWAMA, nous avons eu l’opportunité de les réhabiliter afin d’améliorer l’efficacité des bassins de traitement des eaux. Le projet a également soutenu le laboratoire de la station d’épuration à travers des équipements analytiques et des réactifs, ainsi que la numérisation du réseau de raccordement des eaux usées”.
À Kigoma, en Tanzanie, nous travaillons avec la municipalité pour améliorer la gestion des déchets en fournissant des équipements, des conteneurs et des infrastructures pour collecter, stocker et transporter les déchets. Nous menons également des campagnes de sensibilisation auprès des communautés et d’organisations de la société civile. Pour consolider ces changements de comportement de manière durable, Enabel a également appuyé la révision des textes réglementaires relatifs à la gestion des déchets, visant à clarifier les rôles et responsabilités des différents acteurs, assurer la viabilité financière du système et promouvoir des pratiques durables telles que la réduction des déchets, le tri à la source et le compostage.
Alors qu’elle touche à sa fin, l’initiative Latawama a jeté les bases d’un réseau de surveillance environnementale et a réalisé de nombreuses actions ciblées dans les villes côtières du lac. Mais le projet n’a pas dit son dernier mot : grâce au soutien de l’Union européenne, nos activités se poursuivront dans la région jusqu’en 2029. Elles permettront de mettre à l’échelle certaines des initiatives menées, de favoriser une gestion transfrontalière des ressources en eau, et de promouvoir des activités économiques circulaires dans la région.