Quand les cochons s’envoient littéralement en l’air au Rwanda
Au Rwanda, un projet soutenu par Enabel recourt à des drones pour livrer du sperme de porc à des vétérinaires aux quatre coins du pays. On peut donc dire que les cochons s’envoient littéralement en l’air.
Selon l’Agricultural Household Survey 2020 réalisée au Rwanda, la population porcine du pays est estimée à 1,2 million d’individus et l’élevage de porcs est devenu une activité rentable. Sous l’impulsion de la technologie et de méthodes d’élevage innovantes, les agriculteur·rices ont adopté l’insémination artificielle (IA) pour produire de nouvelles races de porcs très productives et améliorer ainsi la qualité de la viande de porc sur le marché local tout en accroissant leurs revenus.
L’insémination artificielle des truies avec le sperme de verrats de valeur génétique élevée est un facteur clé de l’amélioration génétique de la population porcine du Rwanda, dont l’un des principaux avantages est l’augmentation des rendements en viande. Aussi, le Rwanda Agriculture and Animal Resources Development Board (RAB) a mis en place des centres d’insémination artificielle dans tout le pays à travers le projet agricole de développement des filières porc et volaille d’Enabel (PRISM).
Plus de 85.000 euros ont été affectés à la mise en place du premier centre d’insémination artificielle de porcs dans le district de Muhanga, dans la province du Sud au Rwanda. Le RAB s’est ensuite associé à Zipline Rwanda, une entreprise de haute technologie connue pour ses livraisons de sang et de cellules sanguines par drone aux hôpitaux du pays, afin d’intégrer la distribution de sperme de porc à ses livraisons.
Avant la création de ce mode de transport, il était tout bonnement impossible de pratiquer l’insémination artificielle de porcs, étant donné que leur sperme n’a qu’une durée de conservation de moins de sept heures. Aussi, la conception n’aboutissait pas : les vétérinaires devaient entreprendre un long voyage jusqu’au siège du RAB pour obtenir le sperme et, bien souvent, le temps qu’ils ou elles reviennent pour procéder à l’insémination des truies, celles-ci n’étaient plus en chaleur. En outre, les agriculteur·rices devaient débourser 3.500 francs rwandais (environ 3 euros) pour obtenir du sperme, auxquels il fallait ajouter les frais de déplacement du ou de la vétérinaire vers et depuis le siège du RAB. Ces frais sont à présent payés par le gouvernement sous forme de subsides versés aux agriculteur·rices.
Une IA différente
Au Rwanda, les inséminateur·rices sont des vétérinaires professionnel·les et, à ce jour, 500 d’entre eux et elles ont été formé·es à l’IA. Le partenariat entre le RAB et Zipline leur a permis d’accéder plus facilement à du sperme frais et de qualité préservée provenant de verrats grâce au transport rapide par drones.
L’aéroport pour drones dispose d’un contenant de stockage sur mesure du sperme correctement conditionné provenant du National Centre for Swine Semen Collection. Après réception d’une demande de livraison, un drone décolle de l’aéroport en emportant une boîte de 2 kg contenant des flacons de sperme, qu’il peut livrer en moins de 30 minutes à une distance approximative de 80 km. Il existe actuellement deux sites Zipline qui utilisent des drones pour livrer quotidiennement du sperme de porc à 300 vétérinaires. L’un est situé dans le district de Muhanga, dans la province du Sud, et l’autre dans le district de Kayonza, dans la province de l’Est.
Le recours à l’insémination artificielle des truies a connu une hausse considérable à travers le monde. L’élimination du contact direct entre le mâle et la femelle pendant l’accouplement réduit le risque de propagation de maladies, tandis que la capacité d’évaluer la qualité du sperme garantit entre autres la réussite de la fécondation.
Depuis l’adoption de l’insémination artificielle dans la filière porcine, 6 centres d’IA ont été renforcés et sont opérationnels ; quant au gouvernement rwandais, il a investi dans l’optimisation des performances de reproduction des animaux. Le dernier rapport en date montre que 10.073 doses de sperme de porc ont été produites dans ces 6 sites entre juillet et décembre 2022, dont 9.404 ont été livrées à des agriculteur·rices du pays par le biais de drones de Zipline. Le taux de réussite en termes de fécondité a été de 85 % par dose. En d’autres termes, ces 9.404 doses ont permis à 79.934 porcelets issus de l’IA de voir le jour et partant d’accroître la population porcine au Rwanda.*
Récompenses décernées aux agriculteur·rices
“Nous n’avons plus besoin de commander des verrats de valeur élevée, étant donné que le centre fournit du sperme pour toutes les races. La technologie d’IA des porcs a permis d’améliorer la santé de mes truies. Les truies inséminées donnent naissance à de nombreux porcelets en bonne santé qui sont prêts pour l’abattage au bout de six mois, alors qu’auparavant, nous élevions des porcelets qui n’atteignaient leur poids de maturité qu’à l’âge d’un an. De même, nous ne perdons plus d’argent en traitements, car les animaux sont plus résistants aux maladies.” nous confie Jean Claude Shirimpumu, un éleveur de porcs du district de Gicumbi.
Depuis le début du projet, le Muhanga Zipline Center a envoyé quelque 12.000 doses de sperme de porc à divers·es agriculteur·rices disséminé·es dans tout le pays. Providence Manikuzwe, le coordinateur du projet de livraison de sperme de porc par drones chez Zipline, a déclaré que celle-ci réclame une coordination stricte. « Une fois que les technicien·nes du RAB nous ont envoyé le sperme de porc, nous le conservons dans nos chambres froides spéciales jusqu’à ce qu’un·e vétérinaire ayant reçu une commande d’un·e agriculteur·rice appelle le RAB pour en faire la demande. » Et Providence Manikuzwe de poursuivre : « Le RAB nous indique la quantité nécessaire et nous envoyons immédiatement un drone qui livre le sperme au ou à la vétérinaire en quelques minutes. »
« Les porcelets issus d’une truie inséminée grandissent plus vite que ceux nés d’un accouplement naturel. Ils présentent de même un niveau élevé d’immunité corporelle et d’indice de consommation. Le taux de réussite est de 85 % lorsque l’insémination est bien réalisée, » déclare la Dre Claire d’André Hirwa, Monogastric Programme Coordinator au RAB.
*Rapport du RAB (juillet-décembre 2022)