Station J : favoriser l’ouverture d’esprit des jeunes Palestinien·nes
Les bureaux de Station J, situés dans le quartier Sheikh Jarrah de Jérusalem-Est, grouillent d’activité. Dans les espaces de bureaux principaux, des jeunes femmes et des hommes travaillent sur toutes sortes de projets et, dans deux salles d’ateliers, des jeunes s’initient aux technologies, aux médias sociaux et à l’impression 3D. Vous pouvez réellement sentir l’énergie dégagée par l’entrechoquement d’esprits en ébullition.
Chargée de projet à Station J, Mariam Khalaf a commencé à travailler pour l’organisation en février 2022. Enseignante de profession — elle donne cours d’anglais —, elle travaille toutefois essentiellement avec des jeunes depuis 8 ans.
« J’adore mon travail à Station J, car il me permet de voir comment évoluent les jeunes adultes. Leur personnalité change au fur et à mesure que leur univers s’ouvre grâce aux formations. Ils et elles prennent soudain conscience des possibilités qui s’offrent à eux et elles, des choses dont ils et elles n’auraient jamais imaginé l’existence. Nous encourageons un autre mode de pensée. »
Connu en tant que pôle d’innovation, Station J entend être bien plus qu’un simple mot à la mode. Il crée une plateforme permettant aux entrepreneur·es palestinien·nes (débutant·es) et aux jeunes d’échanger des idées et d’acquérir de nouvelles compétences, tout en offrant un espace de coworking aux personnes qui le souhaitent, qu’il s’agisse d’ingénieur·es ou de graphistes.
Enabel a noué un partenariat avec Station J en vue de guider de jeunes innovateur·rices et entrepreneur·es potentiel·les depuis le stade de l’idéation jusqu’aux perspectives d’investissement et d’emploi.
Freelance Academy
« Enabel nous aide avec la Freelance Academy, » nous confie Mariam, « où nous proposons deux types de cours : l’un d’eux s’adresse aux jeunes de 16 à 29 ans et se concentre sur la résilience, en d’autres termes : les compétences du 21e siècle ; la pensée créative et critique, la communication, le travail en équipe, les médias sociaux, le codage et l’impression 3D. »
Kareem Abu Alfilat est formateur pour le cours de résilience. Dans le cadre de ce cours, il anime un atelier sur l’impression 3D à l’intention d’un groupe de jeunes Palestinien·nes âgé·es pour la plupart de 16 à 19 ans.
« Quand j’avais leur âge, aucune possibilité de ce genre n’existait. Il est important pour des jeunes de 16 ans de voir différentes technologies. Cela contribue à façonner leur esprit et leurs idées quant aux options de carrière. »
Mariam explique que le contexte politique contraignant en Palestine influence grandement les mentalités des personnes : « Nous avons l’habitude de suivre le mouvement, de faire les choses comme elles viennent. Dans notre société, il est en effet difficile de faire des projets. Toutefois, grâce aux cours que nous organisons, les jeunes apprennent aussi à faire attention aux petites choses. Que peuvent-ils et elles encore contrôler et changer ? Les choses qu’ils et elles peuvent contribuer à améliorer grâce à leurs solutions innovantes. À mes yeux, c’est merveilleux. »
Le deuxième cours se concentre sur l’emploi et s’adresse aux personnes âgées de 18 à 29 ans. L’idée est de cibler principalement les jeunes récemment diplômé·es (2 ou 3 ans au maximum). L’accent est mis sur des compétences pratiques telles que : comment passer un entretien d’embauche, comment rédiger un CV, comment créer son profil LinkedIn.
« Nous rendons également visite à des entreprises afin de connaître leurs attentes. Notre objectif est d’amener les participant·es à décrocher un emploi, qu’il s’agisse d’une activité indépendante, d’un emploi salarié ou d’un travail comme freelance. Nous devons faire preuve de flexibilité vu le marché de l’emploi réduit en Palestine. »
Trouver son propre parcours professionnel
Selon Kareem, il est important que les jeunes apprennent à prendre des décisions par eux et elles-mêmes. Il veut les encourager à regarder autour d’eux et elles : « dans l’idéal, ils et elles devraient prendre une décision éclairée qui correspond à leurs compétences et à leur passion. Il arrive encore très fréquemment qu’une fille ou un garçon finisse par faire des études dans une orientation souhaitée par ses parents, mais je pense que nous devons sortir de ce schéma. »
Les parents envisagent bien souvent des carrières plus traditionnelles pour leurs enfants, comme devenir médecin ou avocat·e. Et pourtant, les nouvelles évolutions technologiques sont elles aussi synonymes d’emplois. Kareem partage quelques exemples :
« Pour que l’impression 3D fonctionne, il faut des ingénieur·es et des mécanicien·nes pour entretenir les machines, ou des concepteur·rices qui créent ce qui sera imprimé. Il existe énormément d’options, c’est juste que les personnes ne les voient pas encore. »
Enabel veut aider les jeunes Palestinien·nes à devenir la meilleure version d’eux·elles-mêmes, en leur offrant des perspectives de carrière et de développement personnel inexistantes auparavant. Actuellement, 360 personnes au total ont suivi l’une des deux formations via Station J.
Toutefois, Station J n’est que l’un des cinq pôles d’innovation soutenus par Enabel. Nous travaillons avec 2 autres situés en Cisjordanie et 2 à Gaza. En outre, grâce à un accord conclu avec l’UNESCO, 2 autres centres sont appuyés en Cisjordanie.
Jusqu’à présent, 1963 jeunes ont pris part aux cours en Cisjordanie, dont 360 à Jérusalem-Est. 420 autres se sont inscrits à Gaza. Cela représente 2.383 participant·es réparti·es jusqu’à maintenant.
Vivre à Jérusalem-Est
Les cours proposés par Enabel via Station J s’adressent aux jeunes vivant à Jérusalem-Est et dans les villages environnants. « Nous faisons la promotion des cours sur les médias sociaux et nous avons également collaboré avec des organisations communautaires qui parleront des cours durant leurs activités », poursuit Mariam.
Même si les cours suscitent un grand intérêt, il s’avère parfois difficile pour les jeunes, même ceux et celles vivant à Jérusalem-Est de se rendre à Station J : « En raison du contexte politique, les parents ne se sentent pas toujours en sécurité lorsqu’ils laissent les jeunes adultes se rendre à Jérusalem-Est au départ des régions environnantes, et ce, même si la distance n’est pas très grande », nous explique Mariam, « Ces derniers mois, à Sheikh Jarrah — la zone où nous nous situons — la situation est tendue en raison de la confiscation de terres par les autorités israéliennes dans cette partie orientale de Jérusalem. »
Afin de repousser les limites potentiellement rencontrées par les jeunes s’inscrivant à un cours, Station J propose des solutions alternatives. Par exemple, se rendre dans d’autres villes pour donner le cours ou organiser le transport des participant·es pour qu’ils et elles puissent se rendre ensemble dans les bureaux.
Pour l’amour des technologies
Il est essentiel tant pour Station J que pour Enabel que les jeunes Palestinien·nes continuent d’avoir accès à ces trajets de développement. Dans sa jeunesse, Kareem ne voyait aucune perspective de ce genre : « J’ai toujours aimé les technologies, mais ce genre de choses n’était tout simplement pas disponible lorsque j’étudiais à l’université. J’ai donc testé beaucoup par moi-même, à la maison, en recherchant des trucs sur internet. »
Il a à présent l’opportunité de partager son expérience et c’est précisément ce qu’il veut faire :
« Quand je vois les jeunes que je forme aujourd’hui, dont la plupart ont moins de 20 ans et foisonnent d’idées, je me reconnais un peu en eux. Je trouve merveilleux d’avoir l’occasion de les inspirer, mais aussi d’être inspiré par eux et elles en retour. Je trouve cela incroyable. »
Chiffres clés
- 360 stagiaires ont suivi une formation à Station J (Jérusalem-Est)
- 80 % des participant·es à Station J sont des femmes
- 57 % des participant·es à Station J ont entre 22 et 29 ans
- 1.603 jeunes ont pris part aux cours en Cisjordanie (sans compter les participants à Jérusalem-Est)
- 420 participant·es ont suivi la formation à Gaza